Louis Lavelle
Il n’y a pas de mot qui soit pour nous plus mystérieux ni plus émouvant que le mot conscience. Nous l’employons tour à tour pour désigner cette lumière qui nous rend pré-sent à nous-même et au monde et aussi, en face d’une action que nous venons de faire ou que nous allons faire, ce sentiment qu’elle est bonne ou qu’elle est mauvaise, en rapport avec un ordre qu’elle ne peut que respecter ou violer.Mais la conscience sans laquelle nous ne pouvons rien connaître, ni la réalité, ni le bien, semble se dérober elle-même à la connaissance. Peut-on parler d’une conscience de la conscience ? Et cette expression ne présente-t-elle pas une sorte de contradiction ? Car la conscience dont on a conscience devient alors une chose parmi beaucoup d’autres et perd tous les caractères qui la distinguent et qui l’authentifient. Et la conscience qui a conscience redouble son mystère quand elle applique son opération à elle-même, et non plus à un objet différent d’elle et qu’elle appréhende...